1941 : la France vient de passer sous le joug de l’Allemagne nazie. Les frontières se ferment. La censure s’installe. Les écrivains français sont condamnés au silence ou à l’exil. C’est à cette époque troublée que naît la vocation d’éditeur de Fred Uhler. Imprégné de culture française, profondément attaché aux valeurs humanistes, cet avocat neuchâtelois songe lui aussi à se mettre au service de la France malheureuse.

Le prétexte fut une conférence de Henry de Montherlant  qu’il avait suivie avec émotion à Lyon en décembre 1940 : La Paix dans la Guerre. Il proposa au conférencier de l’éditer. Ce fut son premier livre, publié le 17 mai 1941 à l’enseigne des éditions Ides et Calendes. L’impulsion est donnée. La même année, le jeune éditeur se voit encore confier Triomphe de la vie de Jean Giono et le Porche à la nuit des saints de Pierre Jean Jouve.

Des  contacts sont pris avec les plus grands auteurs français.

Des collections se formant : de « Théâtre » avec la réédition de la Pratique pour fabriquer scènes et machines de théâtre (1942) de Nicola Sabbattini, préfacé par le grand Louis Jouvet  une collection qui accueillera , dès la fin de la guerre, le Théâtre complet de Jean Giraudoux et Théâtre complet d’André Gide ; la collection « Garamond » qui s’ouvre sur la réédition de l’Esprit de conquête (1942) de Benjamin Constant, si actuel dans son analyse lucide de la tyrannie  et de la folie conquérante ; les « Ides poétiques » dont la direction sera confiée dès 1943 à Pierre Seghers ; la collection « Essais » qu’introduit le livre phare de Pierre Jean Jouve : Défense et illustration (1943) où le grand poète cherche des raisons d’espérer dans une France à la dérive. D’autres livres naîtront encore tout au long des années douloureuses de la guerre, des livres témoignages, des livres d’espoir ou de révolte, des cris de poètes, signés par Aragon, Loys Masson ou Pierre Emmanuel.


Fred Uhler

La fin des hostilités, qui fit perdre à l’édition romande son rôle de relais de l’édition française, marqua un premier tournant dans l’histoire d’Ides et Calendes. Pour survivre, il fallait innover. Sans pour autant renoncer totalement à la vocation littéraire de sa maison, l’éditeur lança, dès 1951, une collection d’albums photographiques sur des pays ou des thèmes artistiques, une formule qu’il fut un des premiers à mettre à la mode. Photographe amateur, il réalisa lui-même le quatrième titre de la collection : France romane (1952).


Mais les « Ides photographiques » durent être abandonnées vers 1960, la concurrence dans ce domaine étant devenue trop vive. C’est alors que Fred Uhler fit prendre à Ides et Calendes son second virage. Il en fit une maison d’édition spécialisée dans l’art moderne et contemporain. Les « Mouvements de l’Art », les « Monographies » et les « Catalogues raisonnés » constituèrent les trois grands rameaux de sa grande collection les « Ides artistiques ». S’il publia surtout des études et des catalogues portant sur des peintres et sculpteurs reconnus (tels Picasso, Maillol ou Bonnard), il s’employa aussi à faire connaître des artistes moins connus et, en particulier, ceux de sa région.


Fred Uhler servit à sa façon le barreau auquel il resta attaché sa vie durant et qui demeura sa principale activité : en 1967, il lança une collection d’ouvrages juridiques dont le premier titre fut le Traité de droit constitutionnel suisse de Jean-François Aubert.


Alain Bouret

En 1980, Fred Uhler renonça à son activité d’éditeur et la maison fut reprise par Alain Bouret, qui avait noué des liens avec Fred Uhler et son frère Pierre Uhler par l’intermédiaire de son père, Jean Bouret, auteur de plusieurs livres publiés par Ides et Calendes., dont le Henri Rousseau (1961), et l’Ecole de Barbizon et le paysage français au XIXe siècle (1972). Sous la direction d’Alain Bouret, Ides et Calendes a conservé son identité et maintenu son siège au numéro 19 de la rue d’Evole et continua d’alimenter les collections d’art et la collection juridique. Les « Mouvements de l’Art » se sont enrichis ainsi de plusieurs grands panoramas : le Dictionnaire des peintres paysagistes français XIXe siècle de Lydia Harambourg (1985), L’Art et la révolution française de Jean-Jacques Lévêque (1987), L’Art baroque de Danièle Boone (1988), etc..
Dans la collection « Monographies », que les goûts de l’éditeur ont ouvert à l’expressionnisme et à l’art abstrait, plusieurs peintres ont été mis en lumière, dont Francis Gruber (1988) et Gaston Chaissac (1988).

Serviteur inconditionnel du beau livre, Alain Bouret se tourna aussi vers les historiens du livre et les bibliophiles, en éditant le catalogue complet de l’œuvre de Jean-Emile Laboureur  et le Dictionnaire des Illustrateurs.
A partir de 1995, Ides et Calendes lance trois nouvelles collections: « Polychrome » qui s'attache à faire découvrir à un plus large public d'amateur des artistes contemporains (tels Alechinsky, Combas, Erro, Fromanger, Mosset, Soulages, Wols ou Zao Wou-Ki); « Photoarchives » consacrée à la photographie et aux photographes et présentant chaque fois un parcours ou une partie de l'œuvre; « Photogalerie » consacrée à un libre parcours dans l'histoire de la photographie et faisant découvrir les travaux d'auteurs dans le monde de 1839 à nos jours sous forme de monographies, sujets thématiques, techniques ou historiques.
En 2012, Les éditions Ides et Calendes ont été reprises par La Bibliothèque des Arts.